Lionel Comte
Il y a quelques semaines s’est tenu à l’Université de Strasbourg un colloque avec la participation du dalaï-lama sur le thème « Méditation, conscience et neurosciences ».
Platon n’aurait assurément pas manqué d’organiser une telle rencontre au sein de son Académie.
En effet, par son allégorie de la caverne, Platon aborde la difficulté et le travail nécessaire – la dialectique - pour passer d’un monde constitué des reflets de la réalité au monde de la réalité elle-même.
Cette démarche ressemble fort à celle de la méditation qui vise, en tout cas dans son acception bouddhiste, au passage de l’être « endormi » et dans l’ignorance à l’être « éveillé », libéré de tous les conditionnements.
Mais que viennent faire les neurosciences dans cet environnement philosophique ?
Elles apportent en premier lieu un caractère scientifique à l’étude de ces démarches de nature personnelle. En deuxième lieu elles confirment l’intérêt de telles démarches tant sur le plan de la santé mentale que physique. Enfin elles permettent de discerner en nous ce qui est de notre nature propre de ce qui relève de nos conditionnements.
Ne soyons pas dupes ; les neurosciences ont été préemptées très tôt par les industries qui vivent précisément du conditionnement des individus et qui n’ont d’autre but que de renforcer ce conditionnement et de transformer chaque individu en un consommateur sans libre choix. Méthodiquement le désir a été transformé en pulsion puis la pulsion en instinct.
Qu’il est donc réconfortant, dans ce monde où les valeurs semblent se déliter, où règne la dictature de l’instantané, des faux semblants, des indignations sélectives ou encore de la « bien-pensance », de voir de telles convergences se créer entre science et conscience.
La connaissance des circuits et mécanismes cérébraux que nous révèlent les neurosciences nous permettent de construire une plus grande maîtrise de notre attention, de nos pensées, des émotions et des tensions. Elles nous permettent également de retrouver le sens des mots, de leur précision et de leur puissance évocatrice. Ces approches dialectique et sémantique constituent d’ailleurs des outils décisifs dans certaines thérapies cognitives ou comportementales, comme par exemple dans le cadre de la dyslexie ou des addictions.
Platon aurait, sans aucun doute, également favorisé le développement des neuro-classes dont le principe est de mettre à disposition des enseignants et des élèves des pratiques issues des neurosciences. Ces pratiques ont pour objectif premier de renforcer l’attention, de parvenir à dompter le vagabondage cérébral et de ramener l’attention sur l’objet de la concentration. C’est ainsi que récemment, en France, a été franchi le cap de 1000 neuro-classes allant du CM2 à l’enseignement universitaire.
Cette initiative pourrait être une illustration de l’aspiration la plus profonde de Platon, à savoir ce cheminement et cette diffusion de l’Académie vers la Cité.