Académie d’Alsace des Sciences, Lettres et Arts
    Académie d’Alsace   des Sciences, Lettres et Arts  

50e anniversaire de l'Académie d'Alsace, 2002

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Introduction Christiane Roederer.


L'automne jouait  sur la ligne bleue des Vosges en peintre inspiré.

Il jouait sur les futailles et les jardins.

Il versait sa lumière dorée sur la cathédrale et les Dominicains.

Colmar se contemplait dans le miroir du ciel et dans le cœur des invités.

Cinquante saisons ont vu défiler la belle histoire de l'Académie d'Alsace écrite par tant de femmes et d'hommes dont le parcours fait partie de sa mémoire vive.

Ils sont tous venus pour remonter le temps, raviver des souvenirs, nouer ou renouer des liens entre les générations.

Ce fut l'une de ces fêtes, aimée de l'Alsace, avec cette convivialité si particulière, faite de simplicité et de grandeur.

Ce 19 octobre 2002 a ouvert une nouvelle page de l'histoire de l'Académie d'Alsace.

 

 

 

 

 

 

 

 

Cinquantième anniversaire de l'Académie d'Alsace
Salle du CREF – Colmar

19 octobre 2002


Discours d'ouverture de M. le Professeur Jean-Claude Gall,
Président de l'Académie d'Alsace

 

J'ai l'honneur et le plaisir de vous souhaiter la bienvenue à la fête du cinquantième anniversaire de la fondation de l’Académie d’Alsace.
Ce jour faste pour notre Compagnie me donne l’agréable occasion de vous saluer et d’adresser les chaleureux remerciements de l'Académie d’Alsace à tous ceux qui contribuent à donner à cette manifestation un caractère festif.

Je voudrais tout particulièrement exprimer ma gratitude aux personnalités venues de loin dont la présence nous honore car ils sont les protecteurs de notre Compagnie. Merci, Monsieur le Premier Ministre d’avoir répondu à notre invitation. L’Académie d’Alsace est heureuse et fière d’accueillir le Chancelier de l’Institut de France mais également son voisin du pays lorrain.

Merci Monsieur (Messieurs) le Président d’honneur de la Conférence nationale des Académies de partager avec nous cette journée anniversaire et d’affirmer par là notre appartenance à ce cénacle des vingt-huit académies de France qui sont l'expression du paysage culturel des provinces françaises.

Je remercie très vivement nos généreux bienfaiteurs et donateurs dont le soutien a permis l’organisation de cette journée:

la Chambre de Commerce et d’Industrie de Colmar et du Centre-Alsace qui nous accueille dans cette magnifique salle du CREF
(merci M. le Président Fellmann pour votre constante bienveillance à l’égard de notre Compagnie)
le Conseil Régional d’Alsace
le Conseil Général du Bas-Rhin
le Conseil Général du Haut-Rhin
le Comité de Jumelage Strasbourg Boston
la Fédération du Crédit Mutuel Centre Est Europe
la Fondation Alliance CAIRPSA CARPRECA
la Société des Amis des Universités de l’Académie de Strasbourg    
la Société Générale    

les Villes de Colmar, de Kaysersberg, de Mulhouse, de Munster, d’Obernai, de Rosheim, de Saint-Louis, de Sausheim, de Strasbourg, de Turckheim, de Wissembourg


Merci à tous pour votre bienveillance et pour votre générosité.

Le Comité de l’Académie d’Alsace a souhaité que la célébration du cinquantenaire donnât lieu à un hommage rendu à la mémoire de femmes et d’hommes de France dont la personnalité, l’engagement et le talent ont durablement marqué, chacun dans son domaine d’activités, le cours du siècle écoulé.
D’emblée se détache la figure de Charles de Gaulle dont le Premier Ministre Pierre Messmer et le Président Alain Plantey furent des proches. Sa personnalité et sa vision de la France seront évoquées tout à l’heure par Monsieur Alain Plantey.
Un film réalisé à l’initiative de l’Académie d’Alsace et produit avec le concours du Centre Régional de Documentation Pédagogique d’Alsace, vous fera ensuite redécouvrir la vie et l’oeuvre de personnalités plus proches de nous car enracinés en terre d’Alsace.

Cinquante années se sont écoulées depuis la création en 1952 à Colmar de l’Académie d’Alsace. Ce laps de temps peut paraître court. Mais en cinquante ans, le monde autour de nous et sa perception ont changé à un rythme accéléré. L’après-guerre a vu se succéder la construction de l’Europe, l’essor de la télévision, les conquêtes spatiales, la révolution de l’informatique, les avancées des biotechnologies, la progression de la mondialisation...
Cinq décennies, l’intervalle de deux générations, cinq décennies dont les bouleversements ont radicalement modifié nos cadres de vie, nos comportements, nos mentalités.
Durant ce demi-siècle, l’Académie d’Alsace fut présente, vigilante, attentive aux réalités d’aujourd’hui. À l'occasion de ses séances, elle a entretenu avec ses membres et un public fidèle un débat, une réflexion pour comprendre le monde, comprendre un monde qui change, un monde qui déconcerte, afin de moins le subir et de le vivre mieux.
Telle est la mission que s’est assignée l’Académie d’Alsace, telle est l’ambition qu’elle nourrit pour le demi-siècle à venir.

Le cheminement de ces cinquante années d’activités académiques sera retracé tout à l’heure par le Professeur Raymond Oberlé, Président d’honneur de l’Académie d’Alsace.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cinquantième anniversaire de l'Académie d'Alsace
19 octobre 2002 à Colmar
sous la présidence de M. le Premier Ministre Pierre Messmer, Chancelier de l'Institut


Le 19 octobre 2002, dans le berceau de l'Académie d'Alsace à Colmar, fut célébré le demi-siècle d'existence de l'Académie d'Alsace, fondée par M. René Spaeth. M. le Professeur Jean-Claude Gall, président de l'Académie d'Alsace, a rappelé les étapes de la création d'une Académie, victime des aléas de l'histoire, ce qui explique son jeune âge. Néanmoins, sa vivacité et la place qu'elle tient dans la vie culturelle en Alsace est de plus en plus marquante et le Président Gall de préciser "…Elle permet de mieux comprendre un monde qui change, un monde qui déconcerte, afin de moins le subir et de le vivre mieux. Telle est la mission que s'est assignée l'Académie d'Alsace, telle est l'ambition qu'elle nourrit pour le demi-siècle à venir".

M. le Premier Ministre Pierre Messmer, chancelier de l'Institut, dans un brillant discours, a évoqué "L'Alsace, terre de culture". Il évoque le rôle intense de l'Alsace dans la renaissance du nord de l'Europe et notamment Colmar qui garde en son sein des chefs-d'œuvre des primitifs rhénans au musée des Unterlinden. De même qu'elle fut le lieu de la révolution du livre, introduite par l'imprimerie. Soulignons la réflexion suivante : "Les compagnies fêtent, en général, leur 250e anniversaire… Est-ce à dire que l'Alsace ferait pâle figure avec cinquante petites années d'existence ? Certes non. Pour parler franc, sans l'histoire dramatique des deux derniers siècles, vous pourriez mettre en avant vos origines lointaines, enracinées dans le grand mouvement des Lumières. En effet, dès 1760, Théophile-Conrad Pfeffel fonde à Colmar une société littéraire qui durera jusqu'en 1820. Une société d'émulation des Sciences, des Belles-Lettres et des Arts fut également fondée en 1801…
… En 1769, la ville de Strasbourg se dote d'une Académie Royale des Sciences et des Belles-Lettres présidée par le Prêteur Royal. Après la tourmente révolutionnaire, elle devint en 1799 la Société Littéraire des Sciences et Arts puis, en 1802, la Société Académique du Bas-Rhin, présidée par le Préfet du département. A Mulhouse, c'est en 1775 que le futur pasteur Jean Spoerlin fonde la Société pour la propagation du bon goût et des Belles-Lettres et Sciences.
L'Alsace connaissait ainsi le même mouvement d'épanouissement des sociétés savantes que le reste du territoire national… Mon confrère Emmanuel Le Roy Ladurie parlait récemment, pour caractériser ce moment historique dans votre région, de "première lune de miel", avec la France.

La conférence de M. Alain Plantey, membre de l'Institut, Président d'honneur de la Conférence nationale des Académies des Sciences, Lettres et Arts, a évoqué "Charles de Gaulle, une doctrine pour la France". Le Président Plantey a cité, en guise d'introduction, un mot du Général de Gaulle  : "La France a besoin de l'Alsace… tout comme la France a besoin de grands hommes. Et l'orateur de poursuivre : "Le général de Gaulle s'est voulu l'héritier, le successeur des rois de France qui, en mille ans, ont constitué l'Etat en France…. Rien n'était aussi important que les institutions de l'Etat. Il nous a parlé du désir de Rhin… c'est le désir du roi. C'est la frontière… Et l'Alsace en est…."

Seule la musique pouvait apporter une conclusion à cette émouvante intervention, marquée par la fidélité et l'admiration. La prestation de la Maîtrise de garçons de Colmar, sous la direction de Madame Steyer, fut applaudie comme elle méritait de l'être. Elle servit aussi d'introduction à la deuxième partie de la séance.

L'histoire de l'Académie d'Alsace retracée par M. le Professeur Raymond Oberlé, Président d'honneur, fut non seulement marquée par son érudition mais aussi par la verve de l'orateur qui est entré dans sa 90e année. Il est l'un des derniers témoins de la mémoire vive de l'Académie.
"… Les vicissitudes de l'histoire ont pesé sur l'Alsace, non seulement dans le domaine politique et économique, mais également sur son évolution culturelle…Aucune province au moment de sa réunion n'était encore si loin de la France… Aucune n'est entrée aussi peu francisée dans la communauté nationale. (Après la dernière guerre) il importait de reconstruire, de rebâtir. C'est dans cette ambiance d'optimisme, de confiance et de détermination que les témoins du drame politique et culturel se mirent à l'œuvre. C'est dans ce climat que fut créée l'Académie d'Alsace. Rappelons-nous que c'est l'époque où Robert Schuman, Alcide de Gasperi, Conrad Adenauer et Paul-Henri Spaak œuvrent pour reconstruire une Europe réconciliée".
En conclusion, l'orateur évoqua la grande figure de Pierre Pflimlin à partir de son ouvrage "Destin et volonté" auquel il ajouta deux mots en parfaite adéquation avec ce qu'il a lui-même partagé au long de sa vie : enthousiasme et fidélité.

M. le Professeur Jean-Claude Bonnefond, Secrétaire perpétuel de l'Académie de Stanislas, a représenté le Président Maurice Noël retenu à Nancy. Dans son discours, il a rappelé ses liens personnels avec l'Académie d'Alsace : "Je veux exprimer ici à quel point l'Alsace peut constituer pour nous, Lorrains, un exemple et un modèle…. L'Alsace est aussi un pays profondément attaché à sa personnalité historique et humaine, à son patrimoine et à ses traditions… Souhaitons que… nos deux académies puissent contribuer à faire entrer nos deux régions dans la lumière que nous voulons humaine et fraternelle de ce XXIe siècle commençant."  

M. le Professeur Michel Woronoff, Président de l'Académie de Franche-Comté et Président de la Conférence nationale des Académies des Sciences, Lettres et Arts, a souligné les liens qui unissaient les Académies : "Il y a entre l'Académie de Franche-Comté, de Besançon et l'Académie d'Alsace beaucoup de choses en commun… Les objectifs définis par l'Académie d'Alsace à sa création sont la restauration des valeurs… Il faut sans cesse retisser la toile et remettre en honneur des idées, des idéaux : valeurs de tolérance, d'honnêteté, de fidélité."

Enfin, en couronnement de la soirée, furent évoquées, dans un montage audio-visuel de grande qualité dû à la persévérance de M. le Prof. Jacques Streith, les dix personnalités du siècle les plus marquantes d'Alsace : Pierre Pflimlin, Alfred Kastler, Ernest Munch, Anne Spoerry, Louise Weiss, Albert Schweitzer, Hans Jean Arp, Conrad et Marcel Schlumberger, Oscar Cullmann.
Un DVD du film sera édité et distribué dans les lycées et collèges d'Alsace, de même qu'aux Académies de la Conférence nationale  et aux  collectivités régionales.

Par respect pour une tradition très alsacienne, voire académique, une réception a réuni les participants dans une riche convivialité.

Cette cérémonie du souvenir, largement ouverte sur l'avenir, nous permet de citer Maurice Barrès dans une phrase mise en exergue dans le premier numéro des Annales : "Ce que je veux, c'est collaborer à quelque chose qui me survive". Ce pourrait être l'une des raisons de la passion et du dévouement qui a animé les membres fondateurs et anime leurs successeurs au sein de  l'Académie d'Alsace.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Discours de M. Pierre Messmer
Chancelier de l'Institut,
à l'occasion de la célébration du cinquantième anniversaire
de l'Académie d'Alsace
samedi 19 octobre 2002

Alsace, terre de culture


Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

Je tiens à vous remercier tout d'abord de votre accueil et à vous exprimer tout le plaisir que j'ai à me trouver parmi vous à l'occasion de cette célébration solennelle du cinquantième anniversaire de l'Académie d'Alsace.

L'expérience que je fais aujourd'hui, comme à chacun de mes déplacements, de la fraternité académique est au cœur du projet qui présida à la création de la Conférence des Académies des Sciences, Lettres et Arts, en 1988, sur laquelle veille mon confrère, M. Alain Plantey. Je tiens à le remercier de ses efforts constants. Cette amitié qui lie les membres des différentes Académies est essentielle, depuis l'origine antique des cénacles savants.

La Conférence est un réseau de sociétés savantes essaimées sur tout le territoire national, modèle d'une République décentralisée des savants, comparable à celle des Lumières.

Ce maillage serré du territoire représente une richesse pour notre pays.

Une richesse locale, tout d'abord. Dans un monde en mutation profonde et rapide, le besoin d'enracinement dans un pays se fait de plus en plus sentir. S'ajoute à ce phénomène l'allongement du temps libre qu'il faudra bien occuper à autre chose qu'à des activités de consommation. Les Académies et les sociétés savantes peuvent représenter dans cette nouvelle conjoncture une offre culturelle pour un public qui s'était par le passé un peu détourné des choses de l'esprit.

Elles représentent également une richesse intellectuelle indéniable. Il fut de bon ton à une certaine époque de moquer l'érudit local, pour son attachement à l'histoire positive et le caractère anecdotique des sujets qu'il aborde. Le retour de l'événement et de la biographie dans le champ de l'histoire universitaire ont renversé cette tendance et chacun sait que nombreuses sont les thèses qui se sont nourries au lait des travaux de ces érudits, patients et passionnés.

Depuis trois ans, j'ai donc pris l'habitude de visiter les Académies, notamment lorsque celles-ci célèbrent l'anniversaire de leur création. Ces cérémonies se succèdent – avec toujours autant de bonheur – et les Compagnies mettent en avant leur ancienneté : elles fêtent, en général, leur 250e anniversaire, pour atteindre parfois le 350e, comme pour l'Académie des Jeux Floraux à Toulouse en 1999.

Est-ce à dire que l'Alsace ferait pâle figure avec cinquante petites années d'existence ? Certes non. Pour parler franc, sans l'histoire dramatique des deux derniers siècles, vous pourriez mettre en avant vos origines lointaines, enracinées dans le grand mouvement des Lumières.

En effet, dès 1760, Théophile-Conrad Pfeffel fonde, dans cette ville, une Société littéraire qui durera jusqu'en  1820. Une Société d'émulation des Sciences, des Belles-Lettres et des Arts fut également fondée en 1801.

En 1769, la ville de Strasbourg se dote d'une Académie Royale des Sciences et des Belles-Lettres présidée par le Prêteur Royal. Après la tourmente révolutionnaire, elle devint en 1799 la Société Littéraire des Sciences et Arts puis, en 1802, la Société Académique du Bas-Rhin, présidée par le Préfet du département.

À Mulhouse, c'est en 1775 que le futur pasteur Jean Spoerlin fonde la Société pour la propagation du bon goût et des Belles-Lettres et Sciences. Elle conserva ce nom jusqu'en 1870 avant de devenir la Société Patriotique qui étudiait l'histoire locale d'après les chroniques et les archives et qui réfléchit sur des questions d'utilité publique. Elle comptait vingt-six sociétaires : des pasteurs, des médecins, des juristes, des industriels, etc. Elle n'a pas survécu, comme tant d'autres, à la Révolution française.

L'Alsace connaissait ainsi le même mouvement d'épanouissement des sociétés savantes que le reste du territoire national, au cours de ce siècle qui fut, de manière incontestable, le plus français de tous, sur l'ensemble de notre continent. Mon confrère Emmanuel Le Roy Ladurie parlait récemment, pour caractériser ce moment historique dans votre région, de "première lune de miel" avec la France.

L'Alsace était en effet française depuis seulement un siècle. Son intégration dans le Royaume se fit sans difficulté majeure, si l'on excepte l'épisode de la Guerre de Hollande (1672-1678) et la reconquête militaire de Strasbourg en 1681. La politique royale fut prudente, comme l'illustre la phrase célèbre du contrôleur royal des Finances en 1701 : "Il ne faut point toucher aux usages de l'Alsace." En matière religieuse, l'Alsace jouissait déjà dans la Royaume d'une place à part. L'Edit de Nantes ayant été proclamé avant le rattachement, il n'y avait pas lieu de le révoquer et, si l'Église romaine fut favorisée, les Réformés continuèrent à jouir de l'essentiel de leurs libertés religieuses.

Le drame de l'Alsace n'allait débuter qu'avec la montée des nationalismes.

Le XIXe siècle métamorphosa le destin de votre région. Elle avait toujours été une "région frontière", depuis les temps mérovingiens où elle constituait la Marche orientale du royaume austrasien ; peut-être même, depuis l'époque romaine, où elle était l'arrière-pays de la zone militaire protégeant le limes. Elle se tenait en position de carrefour entre l'Est et l'Ouest, mais surtout entre le Nord et le Sud, bénéficiant de l'axe rhénan et de la voie commerciale dominée à la fin du Moyen Age par la famille Fugger.
    
On a tendance à oublier que l'Alsace fut l'un des foyers les plus intenses de la Renaissance du Nord de l'Europe, dans tous les domaines. Colmar m'oblige à citer en premier lieu le domaine artistique, en raison des chefs d'œuvre peints par les Primitifs rhénans qui se trouvent amassés au Musée Unterlinden et que domine le retable d'Issenheim de Matthias Grünwald. Cet art ne représente que l'une de facettes de la grande modernité de l'Alsace du XVe siècle. L'Alsace fut aussi le lieu de la Révolution du livre, introduite par l'imprimerie. On sait que Gutenberg séjourna à Strasbourg entre 1434 et 1444 et qu'entre 1460 et 1480 une dizaine d'ateliers d'imprimeur existait dans cette ville. On oublie parfois de dire que ce sont des Alsaciens qui ont introduit en France l'imprimerie : le premier livre imprimé à Paris, en 1470, le fut par Michel Friburger, originaire de Colmar, et la deuxième imprimerie lyonnaise fut ouverte par un Strasbourgeois. L'Alsace représentait l'un des foyers de l'humanisme les plus intenses de l'époque.

Sur le plan religieux, elle vit se développer la dévotion moderne, plus intériorisée ; elle voyait aussi se développer le courant de "mystique négative", issu de la pensée de maître Eckhart et développé par Jean Tauler, alors qu'à  Strasbourg les sermons de Geiler de Kaysersberg faisaient entrer la pensée du maître parisien Gerson dans la province.

Le passage rapide à la Réforme donna naissance à une figure originale, celle du luthérien Bucer. Attaché aux idées du maître du Wittemberg, il n'en fut pas moins un apôtre du dialogue entre les différentes confessions réformées. Cet esprit de conciliation semble être une des grandes constantes de l'histoire alsacienne. Je ne peux m'empêcher de penser, en parlant du réformateur de Strasbourg, à une figure plus proche qui, elle aussi, représente au plus haut point les vertus du dialogue œcuménique : mon confrère Oscar Cullmann auquel le film qui sera projeté tout à l'heure rendra hommage, comme l'une des grandes figures régionales du XXe siècle.

La nature accueillante de l'Alsace et sa vocation à être un lieu de rencontre de différentes cultures vont être éclipsées, pendant un siècle, par les déchirements engendrés par les guerres franco-allemandes dont l'un des enjeux fut, on le sait, cette bande de terre entre Vosges et Rhin, dont ma famille est originaire.

Une petite histoire, que l'on  m'a racontée, illustre bien les tiraillements qu'ils firent subir à l'identité alsacienne :
Il y avait quelqu'un qui s'appelait Lagarde. Les Allemands sont arrivés et ont traduit son nom : Wache. Les Français sont revenus et l'ont appelé Vache. Les Allemands ont ré envahi. Il est devenu Kuhe. Aujourd'hui, il s'appelle Ku.

Quoi de plus intime que le nom propre, transmis par le père, et que la langue, que l'on dit maternelle ! Je ne m'attarderai pas sur les brimades et les persécutions dont l'Alsace fut victime. Trop germanique pour les Jacobins français ! Trop francophile pour les Prussiens qui, en outre, veulent y imposer leur langue allemande et traquent toute trace de particularisme : pendant la dernière guerre, l'Elsass devient l'Oberrhein !

Ce mépris de l'identité alsacienne a parfois été intériorisé, mais il n'a pas réussi à gommer la résistance d'une communauté qui s'est maintenue jusqu'à nos jours avec sa place spécifique. Le dialecte alsacien est toujours pratiqué, sans qu'il y ait conflit avec la pratique de la langue officielle. De même, la langue allemande est parlée, ce qui représente un atout considérable pour notre région, en raison de la désaffection des jeunes Français pour cette langue.

L'Alsace est la preuve que le respect des identités locales n'est pas nécessairement source de conflits et qu'an contraire quand il est signe d'un dialogue fécond, il est ferment d'unité et de paix. Redevenue, comme il y a cinq siècles, un lieu de recueillement des idées et de rassemblement des hommes, cette région assume aujourd'hui pleinement le rôle nouveau que lui assigne la construction européenne.

Tel est peut-être le sens profond que renferme le destin de l'Alsace.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Président Raymond Oberlé,
Président d’honneur de l'Académie d'Alsace

L'ACADEMIE D'ALSACE,
fondation, développement, perspectives

 

Mesdames,
Messieurs,

Il peut paraître imprudent voire téméraire de vouloir tracer l'histoire d’une association culturelle sur une période relativement courte : cinquante ans. L'Académie d'Alsace n’a participé à aucun événement spectaculaire, à aucun déroulement de faits tels qu’en a relaté le Président des Conférences académiques.

L’on peut cependant se demander à juste titre comment un ébranlement mondial s’est reflété sur une société qui se veut culturelle et représentative des aspirations intellectuelles d’une génération. Qu'il me soit permis de répondre très succinctement à une question qui se pose fréquemment au cours de nos rencontres : comment expliquer qu'une région au passé culturel aussi riche, aussi divers, que cette région soit la dernière à avoir créé une Académie, alors que de nombreuses Académies florissantes et dynamiques ont fait la gloire de la pensée française depuis quelques siècles. Les vicissitudes de l'histoire ont pesé lourdement sur l'Alsace, non seulement dans le domaine politique et économique, mais également sur son évolution culturelle.

Sauf Strasbourg et Mulhouse, l'Alsace devient française en 1648. Strasbourg sera incorporé au Royaume en 1681, mais ce n’est que par le traité de Rijswijk en 1697 que la frontière est fixée entre la France et l’Empire par le Rhin. L’intégration à la France se fera avec lenteur et prudence. L’intendance d'Alsace confiée à Colbert de Croissy, frère du grand Colbert, entreprendra la reconstruction administrative et matérielle. La relève culturelle s’avère plus lente et plus délicate à réaliser. La longue imprégnation de la pensée allemande continuera à freiner le développement de la culture française. Les arts, les lettres et la culture en général ne peuvent recevoir aucun soutien de la noblesse locale, qui est peu riche, peu raffinée et qui manque d’une cour où les arts et la pensée seraient alimentés et soutenus.

L’historien Gaston Zeller remarque non sans raison au sujet de l'Alsace : "Aucune province au moment de sa réunion n’était encore si loin de la France, par sa langue et par sa civilisation, autant que par sa situation géographique. Aucune n’est entrée aussi peu francisée encore dans la communauté nationale". Les opérations militaires, les graves crises économiques ne favorisent pas l’éclosion d’une vie culturelle attrayante. La langue, instrument de pensée, demeure l’alsacien et l’allemand. L'Alsace reste longtemps une région à culture mixte avec prédominance des éléments allemands dans les classes populaires. Malgré les progrès de l’instruction qui n’est pas obligatoire avant 1871, aucune société à prédominance culturelle n’arrive à s’implanter solidement. La conviction de l’Intendant Lagrange qui préconisait dans un rapport de 1695 que d’ici peu de temps la langue française serait la langue commune à toute la province ne s’est pas réalisée. Quand Goethe séjourne à Strasbourg en 1770/71, il n’est pas dépaysé. Il y rencontre des écrivains allemands Lenz et Lerse. Il existe à Strasbourg deux sociétés culturelles dont la Gesellschaft der schönen Wissenschaften et la Deutsche Gesellschaft. L’intitulé de ces sociétés, qui ont duré peu de temps d'ailleurs, est significatif. L'Alsace est donc à cette époque et malgré des multiples efforts un pays de langue allemande qui reste la langue officielle à Strasbourg jusqu’en 1789. En 1700, la langue et les mots français ne pénètrent que très peu dans les classes supérieures. Le mental collectif était-il mûr à cette époque pour accueillir et alimenter une Académie, après l’ébranlement de la néfaste guerre de Trente ans et les guerres et ruines du siècle de Louis XIV ? Qu'on se rappelle les témoignages des préoccupations culturelles dans plusieurs provinces du Royaume. Alors que l'Alsace est encore un immense champ de ruines, se créent des Académies dont plusieurs villes s’enorgueillissent encore de nos jours, entre 1652 à Gand et 1757 à Metz.
Il convient de prendre en considération la permanence des structures mentales ancrées dans la population. Le développement de l’enseignement et la multiplication des journaux, au cours du XVIIIe et du XIXe siècles, sont autant de témoignages de l’intensification de la vie culturelle. "Cependant, constate Eros Vicari, dans les milieux cultivés nombreux étaient ceux qui, tout imprégnés de sentiments français, ressentaient un fort attrait pour la culture du pays limitrophe avec lequel ils avaient eu au cours de l'histoire de nombreuses affinités, précisément dans le domaine culturel."

1870 fut une tragique rupture. L’Allemagne s’appliqua à germaniser systématiquement l'Alsace et la Lorraine conquises et à éliminer tout ce qui rappelait la culture française. L'Alsace réagit en se repliant sur elle-même. Les troupes françaises furent accueillies dans la liesse et l’enthousiasme en 1918. Des difficultés d’adaptation surgirent néanmoins bientôt. Que l’on se souvienne que les Alsaciens de moins de cinquante ans n’avaient jamais vécu sous le régime français. Il n’était pas pensable de créer une Académie dans un pays qui manquait de repères.
Le sénateur Broglie a écrit dans son livre : "La grande épreuve", à propos de l’annexion de 1940 à 1945 : "L’idéologie nationale-socialiste comptait écraser et éliminer tout élément qui rappelait la présence française." La langue, instrument de la pensée française, fut interdite. Une politique culturelle brutale, persévérante, insidieuse et systématique s’ingéniait à inculquer la Weltanschauung du système totalitaire. La politique du parti visait à écraser l’identité alsacienne. Les organisations d’ordre culturel, social, littéraire, furent dissoutes. La politique antireligieuse brutale et maladroite choqua la population. En 1940, les autorités allemandes fermèrent la cathédrale de Strasbourg au culte catholique pour en faire un sanctuaire national-socialiste. L'Alsace connut des ruptures et l’écrasement d’une continuité chère à la population. Au respect de l’être humain, prôné par la pensée libérale française, on opposait l’idéologie totalitaire inspirée de la philosophie hégélienne.
Le bilan de l’Occupation s’avéra lourd au lendemain de la guerre. L’historien Dreyfus constate cependant un élément positif et je cite : "Par son totalitarisme, par son incompréhension de la situation alsacienne, la politique nazie aura plus fait pour détruire le germanisme en Alsace en quatre ans que la Troisième République ne l’avait fait de 1919 à 1939".

Il importait à présent de reconstruire, de rebâtir. C'est dans cette ambiance d’optimisme, de confiance et de détermination que les témoins du drame politique et culturel se mirent à l’œuvre. C'est dans ce climat que fut créée l'Académie d'Alsace. Rappelons-nous que c’est l’époque où Robert Schumann, Alcide de Gasperi, Conrad Adenauer et Paul-Henri Spaak œuvrent pour reconstruire une Europe réconciliée.
Le Conseil de l’Europe ne précède que de deux ans la fondation de l'Académie d'Alsace. La cooptation par l'Académie d'Alsace du comte Sforza et la participation de René Cassin sont significatives. Nous sommes dans une ambiance générale. Ce n’est assurément pas un hasard si en cette même année 1952 on assiste à Colmar à la renaissance de la Fédération des sociétés d'histoire. L’optimisme confiant devient créateur de nouvelles structures. Des personnalités d’horizons divers firent partie du Comité d'honneur : le prince Jean de Broglie, René Cassin, Maurice Genevoix, Alfred Kastler, madame de Lattre de Tassigny, Léopold Sédar Senghor. L'Académie d'Alsace put s’honorer de compter en peu de temps six académiciens, six membres de l’Institut.
La compagnie s’étoffa grâce à l’inlassable activité du Président René Spaeth et à ses collaborateurs. Le profil culturel était à présent différent de ce qu'il était en 1918.  La réintégration de la France dans le mental collectif ne présentait aucune difficulté, ne fut-elle que linguistique. De jeunes auteurs purent faire publier leurs romans. Jean Christian publie "La vitre embuée". Jean-Louis Bory, un professeur de Haguenau, obtint le Prix Goncourt, pour son ouvrage : "Mon village à l’heure allemande". Et notre concitoyen et confrère Alfred Kern reçut le Prix Renaudot pour "Le bonheur fragile".
René Spaeth était l’homme capable de répondre aux aspirations de cette période de communion et d’exaltation. Le charisme de cet homme, écrivain, poète, conférencier de grand talent, ainsi que son patriotisme, sa droiture native et son dévouement à l'Académie en font un meneur d’hommes capable de galvaniser des foules. Il sut s’entourer de collaborateurs animés du même esprit d’enthousiasme constructeur. Limité par le temps, nous ne pouvons citer que quelques-uns d'entre eux : Delcambe, madame Giloti, Pierre Schmitt, Charrolais, et Maître Nonnenmacher.

Créée le 25 mai 1952 à Colmar l'Académie d'Alsace trouva une audience compréhensive et efficace, notamment auprès des maires successifs : Scherrer, le député maire Gilbert Meyer et auprès de la Chambre de commerce, qui lui apportèrent une encourageante collaboration. La convivialité entraînante de René Spaeth explique les relations amicales qui s’établirent avec les Académies sœurs lors de réceptions empreintes de grande convivialité. Reçue à plusieurs reprises par l'Académie Stanislas de Nancy, l'Académie d'Alsace se rendit aussi à Lucerne, à Besançon, à Genève, à Chambéry, à Lausanne, à Neuchâtel, à Schongau. Des relations confraternelles se nouèrent avec l'Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Savoie, avec les Jeux floraux d’Annecy et de Toulouse, avec les Académies de Rennes et de Rouen. La tonalité des discours et des réceptions reflétait l’atmosphère dans laquelle baignaient ses rencontres. Les accents lyriques alternaient avec des envolées épiques. Ces déplacements consolidaient un travail en profondeur réalisé sur le terrain. Séances solennelles et assemblées générales sont organisées alternativement dans les villes du Bas-Rhin comme dans celles du Haut-Rhin. Des prix sont décernés aux auteurs d’ouvrages dignes d’être distingués.
Cette activité constructive était possible grâce à l’engagement fidèle et soutenu des membres du comité dont la collaboration allait s’avérer des plus efficaces, notamment celle de Pierre Schmitt. Il a marqué de sa personnalité et de son activité la vie culturelle d'Alsace. Conservateur de la bibliothèque municipale de Colmar, il assure également la direction du prestigieux musée des Unterlinden. Il se trouve à la tête de la Commission régionale de l’inventaire des monuments et richesses artistiques. Ces travaux divers sur Schongauer et Grünewald le classent parmi les érudits les plus écoutés d'Alsace. Il prendra, avec la distinction qu'on lui connaît, la succession de René Spaeth. Pierre Schmitt était l’homme aux convictions solides, d’une rectitude morale absolue. Le comité directeur de la compagnie fut peu à peu complété par la présence des professeurs d’université, M. Livet, M. Ribon que nous avons le plaisir de saluer ici. Des personnalités dont la distinction et le rayonnement ont porté haut le prestige de la compagnie. Je pense à Victor de Pange, aussi spirituel que chaleureux dans ses interventions.

Les sujets abordés lors des séances solennelles d’hiver ne laissent aucun doute sur une orientation nouvelle des préoccupations. En témoignage, ces quelques thèmes : on parla de "La créativité culturelle en Province", on parla "Immigration et culture en Alsace", on parla de "L’enseignement de l'histoire dans l’Europe de demain". Des conférenciers de haut niveau présentent des sujets proposés. La participation aux séances du comité directeur de Ferdinando Albanese, directeur au Conseil de l’Europe, permit d’élargir les débats, et la fidèle présence d’Eros Vicari, consul général puis ministre plénipotentiaire d’Italie, attestent de la crédibilité acquise par la plus jeune des compagnies des Académies de province.

Les aléas de l'histoire ont pesé lourdement sur la genèse de l'Académie d'Alsace, mais deux faits significatifs soulignent l’audience acquise. La première est la séance qui se tint au Palais du Conseil de l’Europe et où interviennent deux professeurs d’université et, brillamment, le maire de St-Louis. Deuxième preuve de son audience : l'Académie d'Alsace est admise dans la Conférence des Académies de province. Au regard de ce combat pour la culture, on ne peut s’empêcher de penser au livre de Pierre Pflimlin, intitulé "Destin et volonté".

Je me permets d’ajouter pour finir : enthousiasme et fidélité.

 

 

 

 

 

 

 

M. le Prof. Jean-Claude Bonnefond,
Secrétaire perpétuel de l'Académie de Stanislas

 

Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Président d'honneur de la Conférence nationale des académies,
Monsieur le Président de la Conférence nationale des académies,
Monsieur le Président de l'Académie d'Alsace,
Chers confrères,
Chers amis,

Au nom de tous mes confrères et en l'absence de notre Président Maurice Noël qui est retenu à Nancy par les cérémonies du bicentenaire de la Légion d'honneur, je viens apporter, en ma qualité de Secrétaire perpétuel spécialement chargé des relations de notre académie avec les autres académies, le salut fraternel à l'Académie d'Alsace de l'Académie de Stanislas.
J'ai conscience en faisant cette démarche de payer, en quelque sorte, une partie de la dette de reconnaissance que notre illustre fondateur Stanislas Leszczynski, avait contractée envers l'Alsace. Nous n'avons pas oublié à Nancy que le roi de Pologne détrôné a trouvé refuge, de mars 1719 à juillet 1725, dans la petite ville alsacienne de Wissembourg qui bénéficiait pendant cette période de la protection amicale du cardinal de Rohan, évêque de Strasbourg, et du comte du Bourg, gouverneur militaire de l'Alsace. C'est dans la cathédrale de Strasbourg que le duc d'Orléans a épousé par procuration, au nom du roi de France, le 15 août 1725, la princesse Marie Leszczynska. Et, sans ce mariage royal, il n'y aurait pas eu de Duché de Lorraine pour Stanislas et pas d'académie portant son nom. Nous en eussions peut-être eu une autre, portant un autre nom, mais qui n'aurait sans doute pas bénéficié du même prestige en Europe et de la même inspiration profondément humaniste.
Je suis heureux de rappeler aussi que, peu de temps après sa constitution, le 8 mai 1952, votre académie était venue tenir son assemblée générale dans l'hôtel de la Chambre de commerce et d'industrie de Nancy. Le lendemain, le dimanche 9 mai, dans le Salon carré de notre Hôtel de ville, les membres de l'Académie d'Alsace étaient reçus solennellement en séance publique par l'Académie de Stanislas.
Je pourrais me contenter de reprendre ici les paroles de bienvenue prononcées à cette occasion par notre Président Jean Godfrin, souligner comme il l'a fait la longue solidarité qui a réuni nos deux provinces de part et d'autre des Vosges, au cours des mêmes épreuves et des mêmes vicissitudes historiques, depuis les temps lointains qui les avaient réunis dans la Lotharingie. Citer Maurice Barrès, dont vous aviez retenu pour le premier numéro de vos Annales cette belle phrase : "Ce que je veux, c'est collaborer à quelque chose qui me survive", ou encore, avec beaucoup d'à-propos cette année, faire l'éloge du saint pape Léon IX que l'Alsace et la Lorraine se partagent : "Il illustre avec éclat, disait Jean Godfrin, la mission et la valeur civilisatrice de ces régions prédestinées, sur lesquelles nous sommes, vous et nous, axés à Strasbourg et à Colmar, comme à Nancy."
Mais d’une manière plus personnelle, je veux exprimer ici à quel point l'Alsace peut constituer pour nous Lorrains un exemple et un modèle. Région frontalière par excellence, ouverte sur l'Europe, sur le passage de tous les courants culturels et commerciaux qui la traversent, l'Alsace est aussi un pays profondément attaché à sa personnalité historique et humaine, à son patrimoine et à ses traditions. Il suffit de constater à Colmar, comme ailleurs, avec quel soin vous entretenez et mettez en valeur vos richesses architecturales et artistiques. Nous pouvons envier à la fois l'esprit d'ouverture des Alsaciens et leur esprit de fidélité. Je conçois qu'il ne soit pas toujours facile de regarder à la fois vers l'avenir et vers le passé, d'être accueillant aux autres tout en restant soi-même, et que des tiraillements puissent se produire entre ces deux idéaux. C'est pourtant ce qu'il faut faire.
Et vous ne vous étonnerez peut-être pas si je vous dis que c'était la grande ambition du roi Stanislas pour la Lorraine, lorsqu'il avait créé la Société royale des sciences et belles lettres de Nancy en 1750. Il voulait à la fois, grâce à cette académie, donner à ses sujets lorrains la possibilité de développer leurs talents, en célébrant leur histoire et en mettant en valeur leur patrimoine, et ouvrir largement son duché à toutes les influences intellectuelles extérieures, qu'elles viennent de Paris, de Berlin, de Rome ou de cet axe lotharingien auquel nous appartenons encore, afin que la Lorraine prenne la place qui lui était due dans l'Europe des Lumières.

Souhaitons que, de la même façon, nos deux académies puissent contribuer à faire entrer nos deux régions dans la lumière que nous voulons humaine et fraternelle de ce XXIe siècle commençant.

  

 

 

 

 

 

 

Monsieur le Prof. Michel Woronoff
Président de la Conférence nationale des académies
Président de l'Académie de Besançon


Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Président d'honneur,
Mesdames et Messieurs les présidents,
Madame le Chancelier,
Chers confrères,
Chers amis,

Vous m'offrez, cher confrère, une transition facile. En effet, l'Académie de Franche-Comté et l'Académie d'Alsace sont contemporaines… à deux cents ans près. Mais, je remarquerai qu'avec l'honnêteté qui vous caractérise vous n'avez pas revendiqué l'ancienneté que vous auriez pu réclamer en excipant de toutes ses tentatives de création d'une Académie ou d'une Société des Lettres en 1760. Donc, votre présence parmi nous à la Conférence nationale des académies me paraît tout à fait justifiée.
1952, chers amis, je venais de passer le Baccalauréat à l'École alsacienne, c'est vous dire si je me sens parmi vous comme dans une famille. En effet, j'ai fait toutes mes études à l'École alsacienne, mon frère également, et nous avons été élevés pour reprendre les paroles de la magnifique conférence de M. Plantey, dans l'honneur et la fidélité.
Fidélité aux idéaux qui avaient permis à ces Alsaciens de venir s'installer à Paris pour fuir l'annexion allemande. Honneur également d'une école qui avait, nous l'avons découvert en 1945, sous couvert de certificats de baptême protestants, accueilli une quantité de jeunes camarades qui se sont révélés être juifs, alors que nous ne le savions pas.
Il y a entre entre l'Académie de Franche-Comté, de Besançon et l'Académie d'Alsace beaucoup de choses en commun, en effet. Nous vous avons parrainés. Mais aussi, il faut dire qu'un certain nombre de nos académiciens sont membres de votre académie, y compris le plus marquant d'entre nous, le plus perpétuel d'entre nous, mon collègue, le Professeur Théobald.

Les objectifs définis par votre académie à sa création sont la restauration des valeurs. C'est quelque chose qui, je crois, est encore actuel, quelque chose qui doit nous toucher, tant il est vrai que les valeurs ne sont jamais définitivement restaurées. Il faut sans cesse retisser la toile et remettre en honneur des idées, des idéaux qui nous paraissaient évidents. Valeurs de tolérance, valeurs d'honnêteté, valeurs de fidélité.
Honneur et fidélité dans cette province d'Alsace que le Secrétaire perpétuel de l'Académie française disait être la plus française des provinces de France, mais également Académie d'Alsace itinérante, maillant culturellement toute la province. Académie d'Alsace aux confluents de tout ce qui est le plus européen, cette Rhénanie allemande, vers laquelle l'Europe nous tourne. Je retiens avec admiration la façon dont vous avez conçu votre activité en cinquante ans, une activité que beaucoup d'autres académies pourraient vous envier : vos prix prestigieux, vos Annales, vos regards sur l'Alsace.
Ce qui me frappe dans vos publications, c'est cette foi que vous avez dans l'homme et dans sa culture.
C'est pour cette raison que j'ai tenu par ma présence à marquer l'estime et l'amitié, non seulement de l'Académie de Besançon, mais de celle de la Conférence nationale des académies.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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L'Edito

Traduire, c'est relier

 

Le Prix Maurice-Betz 2023 de traduction a été remis samedi 7 octobre à Colmar à Antonin Bechler, professeur de langue et littérature japonaises à l’Université de Strasbourg, traducteur du grand écrivain Kenzaburô Ôé, Prix Nobel de littérature en 1994.

 

Le Maire de Colmar, parrain et partenaire de la cérémonie, et le Consul général du Japon étaient présents. La manifestation prenait place dans le cadre du festival régional de traduction «D’une langue vers l’autre ».

En ces temps géopolitiquement troublés, il est important de valoriser la traduction. Car la traduction ouvre les horizons géographiques et culturels, elle relie les humains aux ancrages si différents, elle honore des figures universelles de la pensée et de la littérature. La traduction enrichit la polyphonie du monde.

 

Le Colmarien Maurice Betz (1898-1946, photo ci-dessus), écrivain et traducteur (de Rainer Maria Rilke, Thomas Mann, Friedrich Nietzsche), passeur entre les langues française et allemande en des périodes pourtant conflictuelles, est un symbole précieux pour notre région. Alors que le Goethe Institut a décidé de fermer son antenne strasbourgeoise, nous avons à veiller à l’ouverture rhénane et européenne de l’Alsace.

Le Prix Maurice-Betz de l’Académie d’Alsace existe depuis 1957 et a distingué des dizaines d’écrivains, poètes, traducteurs. Au-delà des remises de diplômes et des moments de convivialité qui les accompagnent, c’est un travail en profondeur qui s’accomplit, dans le meilleur des traditions humanistes d’ouverture et de rayonnement.

 

Bernard Reumaux
Président de l’Académie d’Alsace

 

Invitation à l’Agora du 19 novembre 2019

 

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