Académie d’Alsace des Sciences, Lettres et Arts
    Académie d’Alsace   des Sciences, Lettres et Arts  

Sciences et Humanités : je t'écoute, moi non plus ?

Jean Richet

 

Au début étaient les Grecs, les présocratiques et l'émergence de la  rationalité, Platon, héritier de la logique socratique, le philosophe cultivant la recherche de la vérité et de la beauté, la métaphysique, la politique, les disciplines de la pensée et Aristote touchant à tous les champs connus de la connaissance, ceux de l'esprit et de la matière, l'ontologie, la théologie, la logique, l'éthique,  les disciplines de la “philosophie de la nature”, les lettres et les arts.

 

Ce monde se perpétua bon gré, mal gré sous diverses formes durant une vingtaine de siècles, jusqu'au décrochement culturel de la Renaissance occidentale et du monde moderne, un changement essentiel, la naissance d'une ère nouvelle rompant avec le savoir et la connaissance traditionnels, changement dont les initiateurs s'appelaient  Galilée et Newton. La découverte du monde physique se fit désormais à l'aide d'instruments nouveaux, l'expérience, test direct de la matière et de son comportement, les mathématiques, langage efficace et prégnant permettant de traduire, comprendre et maîtriser dans un langage synthétique l'essence de la matière et les phénomènes physiques observés. Ce fut le début d'une ère nouvelle, deux mondes se  séparèrent, celui des sciences de la nature et celui des autres domaines du savoir , de la connaissance et de l'expression artistique.

 

Depuis lors  la recherche scientifique procède pour la plupart des cas suivant une démarche inductive, elle cherche à tirer de faits et d'un savoir préalables  issus de l'observation une extension des connaissances déjà acquises. Comme dans les autres domaines de la connaissance et de l'art c'est “l'étincelle” générée par  une idée intuitive plus ou moins précise et l'imagination de l'individu, l'échange avec les collègues qui déclenche la mise  en route du processus mental menant à l'explication cherchée.

 

A  partir de là, la méthodologie est fort différente de celle rencontrée dans les  sciences humaines. Elle présente deux volets qui s'enrichissent l'un l'autre.

La démarche expérimentale mène à la création d'un objet nouveau ou met en évidence un processus physique particulier non observé jusque là, confirme ou infirme une théorie existante.

La démarche théorique se nourrit de l'observation expérimentale ou demande l'expérience pour confirmer la validité de la solution qu'elle propose pour expliquer un phénomène observé. Pour cela  elle cherche à établir  une relation entre les objets et les concepts qui définissent le contexte physique, relation qui se traduit par une formulation mathématique permettant de mettre en évidence l'accord entre le phénomène et son explication.

 

Pour conjurer l'allusion faussement négative du titre, demeure la question essentielle posée aux humanistes, littéraires, artistes et scientifiques: sommes-nous assez curieux et capables d'échanger sur

un sujet scientifique à l'exemple des échanges entre la création littéraire et artistique?

L'évolution actuelle des sciences de la nature et des techniques est vertigineuse, elle nous interpelle tant sur le plan de la science pure que de ses applications et de ses conséquences dans la vie quotidienne. La  démarche scientifique, dans ses aspects formels, peut décourager. Il appartient à l'intervenant d'éveiller l'intérêt et la compréhension de son auditoire par un langage de circonstance. Souhaitons ensemble que

nous ayons la volonté et le courage d'entamer, au sein de l'Académie, des rencontres sur des sujets scientifiques. 

 

                                                                            

L'Edito

Traduire, c'est relier

 

Le Prix Maurice-Betz 2023 de traduction a été remis samedi 7 octobre à Colmar à Antonin Bechler, professeur de langue et littérature japonaises à l’Université de Strasbourg, traducteur du grand écrivain Kenzaburô Ôé, Prix Nobel de littérature en 1994.

 

Le Maire de Colmar, parrain et partenaire de la cérémonie, et le Consul général du Japon étaient présents. La manifestation prenait place dans le cadre du festival régional de traduction «D’une langue vers l’autre ».

En ces temps géopolitiquement troublés, il est important de valoriser la traduction. Car la traduction ouvre les horizons géographiques et culturels, elle relie les humains aux ancrages si différents, elle honore des figures universelles de la pensée et de la littérature. La traduction enrichit la polyphonie du monde.

 

Le Colmarien Maurice Betz (1898-1946, photo ci-dessus), écrivain et traducteur (de Rainer Maria Rilke, Thomas Mann, Friedrich Nietzsche), passeur entre les langues française et allemande en des périodes pourtant conflictuelles, est un symbole précieux pour notre région. Alors que le Goethe Institut a décidé de fermer son antenne strasbourgeoise, nous avons à veiller à l’ouverture rhénane et européenne de l’Alsace.

Le Prix Maurice-Betz de l’Académie d’Alsace existe depuis 1957 et a distingué des dizaines d’écrivains, poètes, traducteurs. Au-delà des remises de diplômes et des moments de convivialité qui les accompagnent, c’est un travail en profondeur qui s’accomplit, dans le meilleur des traditions humanistes d’ouverture et de rayonnement.

 

Bernard Reumaux
Président de l’Académie d’Alsace

 

Invitation à l’Agora du 19 novembre 2019

 

Version imprimable | Plan du site
© Académie des Sciences, Lettres et Arts d'Alsace