Académie d’Alsace des Sciences, Lettres et Arts
    Académie d’Alsace   des Sciences, Lettres et Arts  

Présentation de James Hirstein par Marie-Laure Freyburger

25 juin 2017 - Turckheim Trois Epis

 

 

 

C’est avec grand plaisir que je voudrais aujourd’hui vous présenter un nouveau membre de notre Académie, tout en regrettant que, retenu par des obligations professionnelles (un colloque prévu de longue date à Naples), il ne puisse être parmi nous.

Il s’agit de James Hirstein qui a reçu tout récemment le prix Beatus Rhenanus accordé conjointement par l’Académie d’Alsace et les Amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat. Cette remise a eu lieu à Bâle en mars dernier et, tandis que Gabriel Brauener, ici présent, faisait brillamment la laudatio de James Hirstein alternativement en français et en alsacien, le récipiendaire a répondu en allemand, ce qui ne saurait nous laisser indifférent, et vous le comprendrez mieux lorsque j’aurai brièvement retracé le parcours totalement atypique de ce collègue et ami passionné et passionnant.

James est un citoyen américain, né à San Diego en Califormie. Amoureux du latin et du français, bien avant de l’être d’une française, il entame des études de littérature française couronnées par un mémoire de maîtrise, obtenu à l’Université de Virginie, sur « la reconstruction de la Rome antique dans les Antiquités de Rome et quelques poèmes latins de Du Bellay ». Cette passion pour le XVIe siècle entraîne le jeune chercheur à traverser l’Atlantique pour poursuivre ses recherches au Centre d’Etudes Supérieures de la Renaissance de Tours où, sous la direction du professeur Margolin, il passe une nouvelle maîtrise et un DEA sur deux éditions d’Erasme de Suétone et de l’Histoire Auguste et rencontre une charmante orléanaise qu’il épouse en 1988, avant d’obtenir une bourse de thèse de son université de Virginie pour travailler sur une édition de la Germanie de Tacite par… Beatus Rhenanus, édition acquise peu auparavant par la Bibliothèque de cette Université de Virginie.

Le destin de James est désormais tracé et, sitôt sa thèse soutenue en 1994, il revient en France et cherche, vous l’imaginez, à se rapprocher de Sélestat. Il obtient, car la Fortune lui sourit, un poste d’ATER de latin à l’Université de Strasbourg, avant d’y devenir Maître de Conférences en 1996, donc il y a 20 ans. Il s’installe définitivement à Ribeauvillé avec son épouse et leurs quatre enfants et obtient la nationalité française en 2008.

Désormais, son parcours universitaire est ponctué de nombreuses publications, plus de soixante articles en anglais, allemand et français, consacrés, bien sûr à l’humaniste alsacien, mais aussi à d’autres humanistes rhénans comme Wolfgang Capito, Johannes Sapidus, ou Jakob Wimpfeling, français, comme Du Bellay ou La Boétie, ou italiens, comme Ermolao Barbaro ou Cristoforo Landino. Il s’est attelé à l’édition de la correspondance de Beatus Rhenanus et le premier volume est paru en 2013. Il dirige chez l’éditeur Brepols une collection intitulée Studia Humanitatis Rhenana, dont le 4e volume va  paraître (il s’agit des actes d’un colloque organisé par lui à Strasbourg et à Sélestat en 2015 et intitulé Beatus Rhenanus et une réforme de l’Eglise.  De fait ses dernières recherches tournent autour du rapport entre les humanistes et la Réforme, avec notamment la découverte dans la bibliothèque de Rhenanus d’un traité de Luther De libertate christiana, annoté de la main de Luther et de celle de Rhenanus, sans doute en vue d’une réédition. Le 500e anniversaire de la Réforme lui a donné l’occasion de parler de cette découverte lors de l’exposition de la BNUS, Le vent de la Réforme, devant les étudiants de l’Ecole Doctorale Humanités à Mulhouse, devant les membres de l’Association Guillaume Budé d’Alsace et, bientôt, en Allemagne, à l’occasion d’une exposition sur le même thème.

Je passerai sous silence les très nombreuses autres conférences prononcées dans les trois langues que j’ai déjà citées, devant des publics très érudits, lors de colloques un peu partout en Europe, ou des publics plus larges, notamment  à l’occasion d’expositions, ainsi que les directions de travaux universitaires (mémoires et thèses) menées par James, seul ou en codirection.

Mais je voudrais juste ajouter un mot sur sa participation au programme européen Interreg (qui rassemblait des universitaires des quatre universités de la région), Patrimoine Humaniste du Rhin Supérieur, pour dire que, responsable administratif et scientifique strasbourgeois du programme, il a été un collaborateur efficace, puisque nous lui  devons, entièrement ou partiellement des expositions exemplaires à Haguenau, Bâle, Colmar et Sélestat entre 2012 et 2013.

Reconnu par ses collègues strasbourgeois, il est actuellement directeur du Centre d’Analyse des Rhétoriques Religieuses de l’Antiquité, le centre de recherche qui regroupe les latinistes et les hellénistes strasbourgeois. Il est aussi connu et reconnu à la Bibliothèque Humaniste de Sélestat et, outre les très nombreux articles qu’il a publiés dans l’Annuaire des Amis de la Bibliothèque, il est membre du Comité culturel et scientifique pour la mise en place de la Nouvelle Bibliothèque, sous la direction de notre confrère Gabriel.

Ses compétences dans le domaine de l’humanisme rhénan, par essence transfrontalier et bilingue (mais les deux langues ne sont pas celles que l’on attend au XXIe siècle, à savoir l’allemand et le français, mais à l’époque l’allemand et le …latin) fourniront à notre Académie un apport scientifique supplémentaire à sa composante historique.

Pour James Hirstein, français et alsacien d’adoption,  l’humanisme européen passe par l’Alsace et Beatus Rhenanus en est le fleuron. Notre Académie pourra, grâce à lui, s’y ressourcer et nous comptons bien qu’il continue à valoriser un patrimoine exceptionnel non seulement pour les érudits, mais aussi pour ce que les humanistes appelaient les docti, c’est-à-dire les gens cultivés et intéressés par le passé de leur région, ce que ne manquent pas d’être nos Académiciens…

L'Edito

Traduire, c'est relier

 

Le Prix Maurice-Betz 2023 de traduction a été remis samedi 7 octobre à Colmar à Antonin Bechler, professeur de langue et littérature japonaises à l’Université de Strasbourg, traducteur du grand écrivain Kenzaburô Ôé, Prix Nobel de littérature en 1994.

 

Le Maire de Colmar, parrain et partenaire de la cérémonie, et le Consul général du Japon étaient présents. La manifestation prenait place dans le cadre du festival régional de traduction «D’une langue vers l’autre ».

En ces temps géopolitiquement troublés, il est important de valoriser la traduction. Car la traduction ouvre les horizons géographiques et culturels, elle relie les humains aux ancrages si différents, elle honore des figures universelles de la pensée et de la littérature. La traduction enrichit la polyphonie du monde.

 

Le Colmarien Maurice Betz (1898-1946, photo ci-dessus), écrivain et traducteur (de Rainer Maria Rilke, Thomas Mann, Friedrich Nietzsche), passeur entre les langues française et allemande en des périodes pourtant conflictuelles, est un symbole précieux pour notre région. Alors que le Goethe Institut a décidé de fermer son antenne strasbourgeoise, nous avons à veiller à l’ouverture rhénane et européenne de l’Alsace.

Le Prix Maurice-Betz de l’Académie d’Alsace existe depuis 1957 et a distingué des dizaines d’écrivains, poètes, traducteurs. Au-delà des remises de diplômes et des moments de convivialité qui les accompagnent, c’est un travail en profondeur qui s’accomplit, dans le meilleur des traditions humanistes d’ouverture et de rayonnement.

 

Bernard Reumaux
Président de l’Académie d’Alsace

 

Invitation à l’Agora du 19 novembre 2019

 

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