Académie d’Alsace des Sciences, Lettres et Arts
    Académie d’Alsace   des Sciences, Lettres et Arts  

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2018-2019 :

chronique d’une année académique

 

 

Gabriel Braeuner
Chancelier de l’Académie d’Alsace

 

 

 

D’une saison à l’autre, entre l’été 2018 et l’été 2019, voici un panorama des activités de l’Académie d’Alsace, entre manifestations publiques et travail de fond, dans la continuité
et les innovations.

 

Été 2018


La Conférence nationale des Académies, à venir au mois d’octobre, est notre grande affaire. Elle nous mobilise depuis de longs mois. Nous souhaitons évidemment la réussir, mais surtout profiter de l’occasion pour asseoir la visibilité de l’Académie d’Alsace. Nous avons là une occasion unique de faire connaître l’Alsace à la trentaine d’autres académies de France, tout en faisant parler de nous dans la région. Nous multiplions les contacts avec les partenaires et sommes reçus avec chaleur, voire empressement, par les institutions que nous sollicitons. Nous qui pensons parfois que nous souffrons d’un déficit d’image, voilà que nous réalisons que nous sommes (un peu) connus, et plutôt appréciés.
Rien de mieux, pour se donner du courage et prendre un peu de hauteur, que de se mettre au vert, ne serait-ce qu’une journée. Et nous voilà partis dans le canton de Soleure, en ce début juin 2018, à la découverte du château de Wartenfels, juché sur une éminence au-dessus du village de Lostorf, qu’André Gide fréquenta. Notre hôte et confrère académicien Peter-André Bloch, qui administre le château, nous fait découvrir l’ancienne forteresse des barons de Wartenfels, qui date du xiiie siècle, devenue résidence campagnarde au xviiie, dotée d’un magnifique jardin baroque. Propriété privée depuis le xixe siècle, elle est aujourd’hui gérée par une fondation. Accessible au public, elle tient lieu de centre culturel, abritant, entre autres, quelques collections d’art contemporain sur lesquelles veille Peter-André.
Quelques semaines plus tard, le 30 juin, c’est dans un autre écrin, les Dominicains de Guebwiller, que se déroule notre assemblée générale accueillie par le Département du Haut-Rhin, propriétaire et gestionnaire de ces lieux où souffle un esprit très musical. Cécile Roth-Modanese – qui avait été si brillante lors de la rencontre interacadémique de Dijon en mars, consacrée au patrimoine des jardins – met son érudite passion à nous les faire découvrir. C’est ce jour-là, après l’intronisation de treize nouveaux membres, que notre chancelier Jacques Streith tire sa révérence après de nombreuses années au service de l’Académie.


Automne 2018


Octobre est arrivé. La Conférence nationale, cette chaleureuse et belle rencontre des académies des régions de France, déverse sa joyeuse cohorte de deux cents participants à la découverte de l’Alsace. Nous voulons partager et séduire, présenter l’image d’une région soucieuse d’assurer un avenir à son riche passé. Conférences, visites, repas partagés : nous avons placé notre rencontre sous le signe des Étoiles et des Hommes. Des étoiles de l’Europe, bien sûr, notre ancrage naturel et historique. Celles de l’excellence de la recherche scientifique et de la gastronomie, d’un territoire fécondé par une histoire complexe et qui continue de nourrir notre imaginaire. Des femmes et des hommes, enfin, qui ont bâti sa réputation et participé à son rayonnement.
Nous investissons quelques lieux emblématiques tels que le musée Unterlinden, le Conseil de l’Europe, l’Université de Strasbourg, le Mémorial de Schirmeck, l’hôtel de ville de Strasbourg, la Bibliothèque humaniste de Sélestat, Eguisheim et le château du Haut-Koenigsbourg. Nous sommes une armée de bénévoles, sous la houlette de Jean Hurstel, à partager notre enthousiasme et notre émotion. Les bus qui nous transportent deviennent des ateliers d’histoire régionale, les pauses-repas de merveilleux moments d’échange.
Aux discussions engagées, aux correspondances échangées depuis, aux amitiés nouées, nous découvrons que nous avons fait œuvre utile, ayant pu transmettre les nuances et les promesses d’une région qui ne se réduit pas à une simple carte postale. Beaucoup nous ont exprimé leur reconnaissance de les avoir « éclairés » sur ces singularités le plus souvent méconnues à l’origine de bien des malentendus : l’étrangeté de notre langue, la complexité de notre passé, le concordat religieux, le drame de l’incorporation de force, la tragédie d’Oradour-sur-Glane.
Le travail se poursuit puisque notre consœur et ancienne présidente, Christiane Roederer, est élue à cette occasion présidente de la Confédération nationale des Académies. Femme et alsacienne ! Ce n’est pas seulement une distinction méritée, c’est un signe fort.


Hiver 2018–2019


Chez nous aussi, les étrennes sont remises autour de Noël. Un peu avant, un peu après. Cela commence, en général, avec le Festival du livre de Colmar, le dernier week-end de novembre, quand un peu partout en Alsace débutent les marchés de Noël. Depuis quelques années, nous en profitons pour décerner le Prix Jeune Talent, qui va à un élève de la Haute École des Arts du Rhin. L’excellence artistique naissante y est distinguée et encouragée. Nous sommes toujours impressionnés par la maîtrise technique et la créativité des lauréats. Anna Griot, l’heureuse élue en 2018, rejoint la lignée de tous ceux qui l’ont précédée et dont certains sont présents pour nous dire ce qu’ils sont devenus. Sous le regard bienveillant et protecteur de l’illustrateur John Howe, à la carrière et la notoriété mondiales, qui attire la foule pour sa conférence. De mémoire d’académicien, nous n’avons jamais vu autant de monde à une cérémonie de remise de prix !
Des jeunes talents, nous en distinguerons d’autres encore tout au long de l’hiver. Le Prix Raymond Matzen pour la meilleure copie au bac en langue et culture régionales échoit à Aline Gillig, du lycée agricole d’Obernai ; le Prix de la meilleure copie de philosophie à Benjamin Kammerer, du lycée Koeberlé de Sélestat ; le Prix scientifique à Chloé Petit, du lycée de Sainte-Marie-aux-Mines. Soit des élèves d’établissements pas toujours connus, où les enseignants font un admirable travail pédagogique et obtiennent d’excellents résultats. À travers ces prix, nous sommes dans notre rôle de détection et de promotion des talents de demain. Nous restons, en outre, attentifs à un harmonieux équilibre territorial, ce qui sied au rôle d’une des rares académies en France dont la vocation est régionale. Il faut voir la légitime fierté des élus, de la communauté éducative, des parents et des lauréats pour se convaincre que notre politique des prix n’est pas une activité subalterne, mais bien un axe majeur dans nos missions.
Dans le même esprit, en lien avec l’association de professeurs de philosophie qui organise en mars le pétillant festival strasbourgeois « La Philosophie hors ses murs », nous parrainons leur concours grand public d’essai philosophique et c’est un de nos membres, René Voltz, qui participe au choix des lauréats.
Pour autant, même si nous sommes résolument tournés vers l’avenir – nous avons en mémoire la brillante personnalité d’Arnaud Spangenberg, lauréat du Grand Prix scientifique Alfred et Valentine Wallach au printemps 2018 –, nous essayons également de veiller à distinguer d’autres talents authentiques, connus certes, mais restés à l’écart des reconnaissances officielles. Nous étions ainsi tous sincèrement heureux de remettre, en janvier 2019, à l’hôtel de ville de Strasbourg, le Grand Prix de l’Académie d’Alsace à l’immense photographe bourlingueur Frantisek Zvardon pour l’ensemble de son œuvre photographique qui magnifie et le monde entier et l’Alsace.


Printemps 2019


Ce que nous préférons dans notre façon de servir l’Académie, c’est le travail quotidien. Celui de la ruche. Une ruche qui fourmille d’idées et prépare nos événements et nos décisions. Un simple coup de fil, et nous voilà, autour de notre président Bernard Reumaux, dans la voiture ou le train pour Strasbourg ou pour Sélestat, pour une heure et demie d’échanges. Nous n’avons pas de siège fixe, nous sommes une académie nomade, gage de liberté et de souplesse. L’Alsace est notre territoire et nous avons adapté notre travail à cette réalité géographique et fonctionnelle. Tous les deux mois, le comité directeur se réunit à l’hôtel Bristol de Colmar, lieu emblématique de l’Académie d’Alsace – où se prennent toutes les décisions importantes – à deux pas de notre siège social, accueilli à la Chambre de commerce et d’industrie.
Le printemps qui nous prépare au rendez-vous annuel de l’assemblée générale, en début d’été, est propice aux chantiers. La mise en place des Agoras, ces rencontres où nous envisageons, à l’automne, de multiplier les échanges du nord au sud de l’Alsace, nous occupe de nouveau. Il est très stimulant de lancer un questionnement sur l’Alsace d’aujourd’hui et de demain. N’oublier personne, recenser les forces vives, inventer une formule efficace de rencontres, sortir des sentiers battus, ne pas reproduire ce qui se fait très bien ailleurs. Trouver cette petite musique originale qui fait que l’Académie est académie, et non pas une association comme une autre. Bref, la rendre incontournable, non pas par vanité, mais parce que la multiplicité des talents qui la composent est une vraie richesse. Quelle autre ambition pourrions-nous avoir sinon de servir ?
Mais il faut que notre organisation soit adaptée à la réalité d’aujourd’hui et de demain. Nous sommes une institution qui réunit, depuis 1952, des gens de bonne volonté représentant le monde des lettres, des sciences et des arts. Toutes les académies françaises fonctionnent sur le même modèle transdisciplinaire. Ce sont des endroits uniques où trois familles, qui se rencontrent rarement, ont l’occasion d’échanger dans un esprit d’ouverture et de dialogue.
Souvenons-nous de la rencontre en avril avec le secrétaire perpétuel de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Michel Zink, membre de l’Académie française, médiéviste aussi érudit que facétieux. À Altkirch, terre de ses ancêtres, et à la librairie Kléber à Strasbourg, de beaux moments de grâce.
Pour tout cela, les académies sont irremplaçables. Mais le moment n’est-il pas venu d’élargir leur audience ? En revoyant nos statuts, nous avons transformé nos trois antiques familles en trois nouveaux pôles d’accueil – Sciences, Culture et Société – afin de nous ouvrir davantage à l’ensemble de la société et d’y recruter nos futurs membres.
Mais voilà déjà l’été ! « Retour aux sources », comme disaient nos humanistes autrefois. C’est justement à la toute nouvelle Bibliothèque humaniste de Sélestat que nous nous retrouvons le 6 juillet pour accueillir l’assemblée générale 2019, moderniser nos statuts, introniser neuf nouveaux membres et remettre deux de nos neuf prix annuels : le Prix Beatus Rhenanus au conservateur de musée bâlois Dominik Wunderlin, et le Prix de la Décapole à Marc Glotz, pour son travail d’histoire sur la noblesse alsacienne.
Une année académique vient de s’achever. Une autre va s’ouvrir. Il y a, en octobre, l’organisation – par l’Académie d’Alsace – du colloque parisien de la Conférence nationale des Académies (piloté par Michel Woronoff), sur l’Innovation, à l’Institut de France et à la Fondation Del Duca, avec dîner de gala dans les salons de la Présidence du Sénat. Et puis le démarrage des Agoras. Nous ne voyons pas le temps passer.

 

L'Edito

Traduire, c'est relier

 

Le Prix Maurice-Betz 2023 de traduction a été remis samedi 7 octobre à Colmar à Antonin Bechler, professeur de langue et littérature japonaises à l’Université de Strasbourg, traducteur du grand écrivain Kenzaburô Ôé, Prix Nobel de littérature en 1994.

 

Le Maire de Colmar, parrain et partenaire de la cérémonie, et le Consul général du Japon étaient présents. La manifestation prenait place dans le cadre du festival régional de traduction «D’une langue vers l’autre ».

En ces temps géopolitiquement troublés, il est important de valoriser la traduction. Car la traduction ouvre les horizons géographiques et culturels, elle relie les humains aux ancrages si différents, elle honore des figures universelles de la pensée et de la littérature. La traduction enrichit la polyphonie du monde.

 

Le Colmarien Maurice Betz (1898-1946, photo ci-dessus), écrivain et traducteur (de Rainer Maria Rilke, Thomas Mann, Friedrich Nietzsche), passeur entre les langues française et allemande en des périodes pourtant conflictuelles, est un symbole précieux pour notre région. Alors que le Goethe Institut a décidé de fermer son antenne strasbourgeoise, nous avons à veiller à l’ouverture rhénane et européenne de l’Alsace.

Le Prix Maurice-Betz de l’Académie d’Alsace existe depuis 1957 et a distingué des dizaines d’écrivains, poètes, traducteurs. Au-delà des remises de diplômes et des moments de convivialité qui les accompagnent, c’est un travail en profondeur qui s’accomplit, dans le meilleur des traditions humanistes d’ouverture et de rayonnement.

 

Bernard Reumaux
Président de l’Académie d’Alsace

 

Invitation à l’Agora du 19 novembre 2019

 

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