Académie d’Alsace des Sciences, Lettres et Arts
    Académie d’Alsace   des Sciences, Lettres et Arts  

Salon du livre de Colmar, 2009

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Salon du Livre - Colmar 22 novembre 2009

 

Christiane Roederer

 

 

 

 

C’est un très grand plaisir, chères Consoeurs, Chers confrères, de vous accueillir à ce 20e Salon de Livre de Colmar, exactement au «  Café littéraire », cadre idéal pour parler de la création artistique et littéraire.

 

Nos vifs remerciements s’adressent au Maire de la Ville, M. Gilbert Meyer toujours attentif à nos activités et fidèle soutien du Salon, le plus important de la Région. C’est lui aussi qui nous offre cet accueil convivial si agréable en début de matinée. Merci à lui et au conseil municipal de Colmar.

Nous célébrons le 20e anniversaire du Salon du Livre. Petite remontée dans le temps… en 1989, Patrick Richardet, gendarme de son état à Colmar et poète à ses heures, me contacte. J’étais alors président de la société des Ecrivains d’Alsace, de Lorraine et du Territoire de Belfort. C’est dans sa cuisine à la Gendarmerie que nous avons rêvé ensemble le futur Salon. Les municipalités successives ont su lui donner la place qu’il occupe aujourd’hui dans le paysage littéraire. Les auteurs ne peuvent que se réjouir de ce succès renouvelé tous les ans.

Chez les Anciens Mayas, le nombre 20 représente le Dieu Solaire, dans sa fonction d’archétype de l’Homme Parfait. Je vous laisse apprécier et en tirer la conclusion…

Ce 20e anniversaire est aussi un jour de fête pour notre Compagnie. À quelques jours de son 90e anniversaire, nous souhaitons rendre hommage à Marguerite Gable-Senné, romancière, poète, conteuse. Personnalité solaire, originaire de Guebwiller, officier des Palmes Académiques, membre de la Société des Ecrivains et de notre Compagnie, distinguée à de multiples reprises, Marguerite Gable-Senné est, et restera, celle qui écrivait dans son très bel ouvrage « Le temps funambule » illustré par Camille Claus (je cite) : « Il ne s’agit pas de remplir le temps mais de le tisser en fils de lumière ». Marguerite vous êtes un très bel exemple de ce que devrait être un écrivain : créatif et lumineux. Nos vœux fervents vont vers vous afin que santé et joie de vivre vous soient conservées.

 

Restons dans la lumière si bienfaisante au mois de novembre pour tourner notre regard vers Till Charlier, lauréat du prix « Jeunes talents » découvert lors de l’exposition des travaux des élèves de la classe de Maître Finzo à l’Ecole Supérieure des Arts décoratifs de Strasbourg. Notre président d’honneur, M. Jean-Claude Gall tout comme moi-même, nous avons été séduits – au premier regard – par ce talent original, un rien frondeur dans la lignée d’un Daumier. Est-ce si étonnant quand on porte un prénom qui fait surgir Till Eulenspiegel, (littéralement : miroir aux chouettes) l’espiègle dont les nobles, les clercs et les paysans furent les victimes ? Son existence attestée en Basse-Saxe, est devenue légende dès le XVIe siècle grâce à un long poème satirique du strasbourgeois Johann Fischart et bien plus tard, exactement en 1895, grâce à Richard Strauss qui a mis en musique un poème à la gloire de Till, farceur es qualité.

Est-ce donc un hasard si Till Charlier, avec encre de Chine et plume, porte un œil satirique sur la société à travers des fables animalières si délicieusement humaines ? Il nous présentera son œuvre en présence de son professeur. D’ores et déjà nous le félicitons chaleureusement pour son talent d’illustrateur doublé d’une analyse sociétale tout à fait intéressante.

 

Il arrive que la création littéraire soit une lumière dans les épreuves de la vie, elle apparaît alors comme une bouée de sauvetage, un arrêt salutaire dans le quotidien à la condition expresse que l’auteur puisse cueillir les fruits de son verger personnel.

 

Il en est ainsi pour Sonia Pelletier-Gautier, lauréate du Grand Prix de notre Compagnie. Médiéviste, elle a fait ses études à l’université Marc Bloch de Strasbourg sous la direction du Professeur Francis Rapp. Son mémoire de maîtrise : « L’Eglise et la vie religieuse à Guebwiller à la fin du Moyen Age » a été primé par le Conseil général du Haut-Rhin et fut publié en 1988 par la Société Savante des Régions de l’Est .

Sonia Pelletier-Gautier a commis de nombreux articles dans des revues spécialisées et s’est engagée dans la création du musée du Florival (musée Théodore Deck) de même que dans de multiples fouilles archéologiques. Professeur d’histoire et de géographie au lycée Théodore Deck de Guebwiller, elle a mené un nombre important de projets pédagogiques.

Sa riche bibliographie comporte des articles, la participation à des ouvrages collectifs, et enfin la parution de deux « trilogies » l’une en 2008 qui fait l’objet de ce prix et l’autre « Pierre ou le Souffle d’une Vie » à paraître en 2009 et 2010.

Son œuvre « Les dilemmes de l’Inquisiteur », en trois tomes parus aux Editions Pierregord, a été distinguée à l’unanimité du Jury. L’auteur a su allier rigueur universitaire et imagination pour créer une fiction vraisemblable qui plonge le lecteur au cœur d’un procès en sorcellerie dans le Saint Empire romain germanique au XVe siècle, à l’aube de l’humanisme rhénan.

Sans contestation, il s’agit d’une œuvre magistrale que l’auteur présente ainsi : « … À côté de la procédure décrite minutieusement à partir du manuel du grand Inquisiteur Jacques Sprenger, j’ai souhaité faire connaître la petite Histoire, des rites calendaires aux voyages obligatoires des paroissiens à l’Evêché de Bâle pour régler toutes sortes d’impôts… »

Si l’histoire se déroule principalement à Guebwiller – c’est tout l’axe rhénan - dans le cadre de la province dominicaine de Teutonie – que l’auteur met en scène.

Notre vice-président M. Jean-Marie Schmitt, saura nous entraîner dans le théâtre d’opération des frères prêcheurs.

 

Je tiens à souligner que Mme Sonia Pelletier-Gautier a rendu hommage à notre membre d’honneur, M. le Professeur Francis Rapp « qui a traqué avec moi (avec elle) les éventuels anachronismes, étape par étape ». Bel exemple de collaboration transgénérationnelle !

Son ouvrage trouve aujourd’hui son couronnement par l’attribution du Grand Prix de l’Académie des Sciences, Lettres et Arts d’Alsace. L’auteur nous permettra d’ajouter à nos plus vives félicitations, l’expression de notre fierté de distinguer non seulement une œuvre mais aussi un écrivain qui a su apprivoiser une épreuve physique par la force de l’esprit.

 

Chères Consœurs, chers confrères, vous constatez une fois de plus la richesse de notre patrimoine. Il vous appartient de souligner, dans le sens où tout ce qui fait votre passion – littérature, sciences, arts - est un champ d’exploration constant qui n’a de sens que dans le partage. Vivre dans l’indifférence ne fait pas partie de l’esprit académique.

 

Mais en fait qu’est-ce que le patrimoine ? Le phénomène patrimonial remonte à l’Antiquité bien qu’il n’ait pas eu le même sens qu’au XXe siècle où la patrie est devenue patrimoine. Chacun « peut y trouver ce qu’il a besoin d’y trouver » : la filiation, la légitimité et l’identité à travers la sauvegarde des monuments, des œuvres d’art, de la langue. C’est comme si, devant la planétarisation, le brassage des peuples et une certaine uniformisation de la culture, naisse l’impérieux besoin de conserver les traces personnelles de l’identité qui risquent de se perdre dans l’océan des cultures. L’uniformisation, prônée notamment par les régimes totalitaires, fait partie de l’angoisse existentielle de l’être humain, hier comme aujourd’hui.

 

Votre présence et vos actions au sein de notre Académie sont l’expression de votre attachement au patrimoine et répondent à l’idéal académique exprimé par tant de générations de créatifs, qu’ils soient artistes ou écrivains, petites lumières dans un quotidien dont ils refusent la banalité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'Edito

Traduire, c'est relier

 

Le Prix Maurice-Betz 2023 de traduction a été remis samedi 7 octobre à Colmar à Antonin Bechler, professeur de langue et littérature japonaises à l’Université de Strasbourg, traducteur du grand écrivain Kenzaburô Ôé, Prix Nobel de littérature en 1994.

 

Le Maire de Colmar, parrain et partenaire de la cérémonie, et le Consul général du Japon étaient présents. La manifestation prenait place dans le cadre du festival régional de traduction «D’une langue vers l’autre ».

En ces temps géopolitiquement troublés, il est important de valoriser la traduction. Car la traduction ouvre les horizons géographiques et culturels, elle relie les humains aux ancrages si différents, elle honore des figures universelles de la pensée et de la littérature. La traduction enrichit la polyphonie du monde.

 

Le Colmarien Maurice Betz (1898-1946, photo ci-dessus), écrivain et traducteur (de Rainer Maria Rilke, Thomas Mann, Friedrich Nietzsche), passeur entre les langues française et allemande en des périodes pourtant conflictuelles, est un symbole précieux pour notre région. Alors que le Goethe Institut a décidé de fermer son antenne strasbourgeoise, nous avons à veiller à l’ouverture rhénane et européenne de l’Alsace.

Le Prix Maurice-Betz de l’Académie d’Alsace existe depuis 1957 et a distingué des dizaines d’écrivains, poètes, traducteurs. Au-delà des remises de diplômes et des moments de convivialité qui les accompagnent, c’est un travail en profondeur qui s’accomplit, dans le meilleur des traditions humanistes d’ouverture et de rayonnement.

 

Bernard Reumaux
Président de l’Académie d’Alsace

 

Invitation à l’Agora du 19 novembre 2019

 

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