25 juin 2016, Mulhouse
Chère Marie-Laure,
Jusqu'à l'an dernier, je n'avais jamais entendu parler de vous. C'est un tort, mais c'est ainsi. Il a fallu qu'un documentaire télévisé fallacieux, sur l'incorporation de force dans les waffen SS, soulève l'indignation des survivants, des historiens et des politiques alsaciens, pour que je voie surgir votre nom à la tête de la croisade pour réhabiliter la vérité et la mémoire de ces incorporés. J'ai eu l'occasion de vous dire mon étonnement, alors, de voir une Parisienne, non historienne, non spécialiste, ni contemporaine de cette époque, engagée à l'assaut de la citadelle jacobine et audiovisuelle. Mais à quelque chose malheur fut bon, puisque ce fut à l'occasion de ce combat-là que je découvris votre roman A l'ombre des vainqueurs, paru à l'automne 2014 chez Albin Michel.
Je ne referai pas, chère Marie-Laure, malgré l'envie, l'éloge de ce roman exceptionnel. L'Académie d'Alsace lui a attribué son Prix en 2015, et j'ai eu le privilège et le bonheur, au Salon du livre de Colmar, de dire tout le bien que nous pensions de ce roman. On peut se reporter aux Annales 2015 de l'Académie, ou bien à notre site, dont la visite est toujours pleine d'enseignements : la laudatio de votre roman et votre réponse y figurent en bonne place. Avant le Prix de l'Académie, votre roman avait obtenu le Prix des romancières à Saint-Louis, et le Prix du roman historique à Blois. Et, il y a de cela quelques semaines, le Prix du deuxième roman de Marche-en-Marenne est venu s'ajouter aux trois premiers ! Ces récompenses ont évidemment couronné la qualité littéraire remarquable de votre roman. Permettez-moi aussi d'espérer qu'elles contribueront à défendre la mémoire, notamment à l'extérieur de l'Alsace-Moselle, de ceux qui se sont tus trop longtemps.
Mais vous avez eu une vie avant A l'ombre des vainqueurs, et nous espérons bien qu'il y en aura une après ! J'ai signalé tout à l'heure que votre roman venait d'obtenir le Prix du deuxième roman. Cela suppose évidemment qu'il y en avait eu un premier : eh bien celui-ci, qui s'appelle Un temps égaré, paru aussi chez Albin Michel, avait obtenu le Prix du premier roman à Chambéry en 2014. Dépêchez-vous, chère Marie-Laure, d'en écrire un troisième : il ne peut qu'obtenir le Prix du troisième roman ! Il est vrai que vous ne passez pas tout votre temps à écrire des romans ! Et si c'est d'abord l'écrivain que nous avons le plaisir d'accueillir au sein de notre Académie, vous avez bien d'autres cordes à votre arc, cordes qui exaltent toutes la Beauté et l'Art. Spécialiste de l' Histoire des Arts, vous avez en effet collaboré avec Christie's, Drouot, LVMH, vous avez été et vous êtes encore consultante auprès d'institutions aussi prestigieuses que le Mobilier National ou la Fondation Carla Bruni. Et en tant que journaliste spécialisée, vous avez écrit plus de cent cinquante articles sur des collections, des artistes ou des expositions. Voilà bien un domaine qu'il me reste à explorer, chère Marie-Laure ; mais il ne vous a pas échappé que notre Académie est celle des Sciences, des Lettres et des Arts, et que vous aurez certainement l 'occasion de nous apporter vos lumières en la matière. Peut-être pourrez-vous aussi, lors d'une discussion à bâtons rompus, échanger sur le charme des gondoles à Venise, puisque je vous sais gondolière -mais oui ! - ce qui ne manquera pas d'intéresser nos consœurs féministes, ou sur l'arboriculture, puisque vos talents de pomologue s'exercent sur vos arbres fruitiers du château de Birkenwald.
Et puisque j'ai évoqué ce château, qui est celui de votre famille, je suis sûr que les historiens, qui sont nombreux dans l'Académie, voudront échanger avec vous sur le séjour qu'y fit un certain Philippe de Hautecloque, le 22 novembre 1944, juste avant d'entamer sa charge héroïque pour libérer Strasbourg, le lendemain. Quant aux écrivains, qui ne sont pas moins curieux, ni moins nombreux parmi nous, ils se souviennent sûrement que Prince Eric des romans scouts de notre adolescence commence ses aventures précisément dans ce château de Birkenwald. Vous le voyez, chère Marie-Laure, les sujets de curiosité et de discussion ne manqueront pas, qui nous font vous accueillir avec joie parmi nous.