Christiane Roederer
Président de la Conférence nationale des Académies
Coolloque national des 32 Académies de France
CREF/Colmar – 3 octobre 2018
Monsieur Bernard Bourgeois, président d’honneur de la Conférence nationale
Monsieur Jean-Paul Meyrueis, président de la Conférence nationale
Mesdames, Messieurs les Présidentes et Présidents
Chères Consoeurs, chers Confrères,
Il ne s’agit pas d’un discours…
… Mais de l’expression d’une vivre gratitude pour votre présence à cette séance inaugurale d’un périple de quatre jours en Terre d’Alsace préparé avec passion par le comité avec à sa tête Bernard Reumaux, président de l’Académie d’Alsace et Jean Hurstel, secrétaire général de la CNA.
Une gratitude particulière s’exprime à Mme Christiane Roth, présidente de la CCI, qui nous accueille ce matin dans « sa maison » comme elle s’adresse à Madame Brigitte Klinkert, présidente du Conseil départemental du Haut-Rhin qui a pour notre Académie, depuis des lustres, « les yeux de Chimène ».
Il s’agit aussi d’un vibrant hommage à Bernard Pierrat et Jean-Claude Gall, nos présidents d’honneur, ici présents et à leurs comités successifs.
Un hommage à ceux et à celles dont le soutien, l’investissement sans failles nous permettent aujourd’hui de nous réunir au nom des Sciences, Lettres et Arts.
Si nous appartenons à un grand corps à des titres différents
Nous sommes avant tout « Poussières d’Etoiles » inscrites dans la géographie céleste.
Proverbes, sentences populaires le suggèrent, l’affirment depuis la nuit des temps.
A plusieurs siècles de distance, un philosophe, Emmanuel Kant, et un scientifique Hubert Reeves reprennent la formule, celle qui a inspiré le titre de notre colloque.
Poussières d’Etoiles, même origine, même destinée.
A la formule « Tu n’es que cendres et poussières » ne faudrait-il pas ajouter… mais poussière d’étoiles comme une ouverture vers l’universel ?
Cette légitime aspiration à l’universel marque nombre de recherches et de travaux de nos Compagnies Savantes avec cette précieuse dose d’humilité et de persévérance mise en exergue dans leur longue et parfois chahutée existence.
Nous ne reviendrons pas sur celle de l’Académie d’Alsace sauf pour évoquer la figure de Pierre Messmer, Chancelier de l’Institut, l’un de nos parrains à la Conférence nationale, qui lors des
cérémonies de notre 50e anniversaire de Refondation disait :
« Est-ce à dire que l’Alsace ferait pâle figure avec cinquante petites années d’existence ? Certes non. Pour parler franc, sans l’histoire dramatique des deux derniers siècles, vous
pourriez mettre en avant vos origines lointaines, enracinées dans le grand mouvement des Lumières ».
Mais consacrons encore un instant au monde des étoiles.
Shakespeare nous engage à y revenir : « Ce sont les étoiles, les étoiles tout là-haut qui gouvernent nos existences (Le roi Lear)
Quatre siècles plus tard, notre consoeur Marguerite Yourcenar précise : « Il n’est pas difficile de nourrir des pensées admirables lorsque les étoiles sont présentes »
Les scientifiques pourraient protester.
Se pose alors la question : Que serait la créativité, scientifique, littéraire, artistique, si elle ne portait son regard au-delà de la sphère quotidienne ?
Où pourrait-il se poser - ce regard - pour trouver l’infinie inspiration nécessaire à la créativité ?
Croire ou non au pouvoir des étoiles, peu importe.
Il n’empêche qu’elles sont des symboles de l’esprit. Elles percent l’obscurité, projettent leur lumière sur la nuit de l’inconscient.
Ce symbole est repris à de multiples occasions.
Le drapeau européen :
Douze étoiles dorées symbolisant la perfection et la complétude.
Le bleu : représente le ciel et dans son caractère religieux, la couleur de la Vierge Marie
Les étoiles à 5 branches représentent les peuples d’Europe
Le cercle ouvert : symbole d’unité, de solidarité et d’harmonie.
Les « étoilés » de l’Université de Strasbourg
Soit 18 Prix Nobel, physique, chimie, médecine,
Un Nobel de la Paix à Albert Schweitzer, en 1952
Un médaillé Fields, René Thom, en 1959.
Deux nobélisés alsaciens non strasbourgeois : en 1913, Alfred Werner, en chimie, après des études à Mulhouse puis à Zurich ; en 1966, Alfred Kastler, en physique, après des études à
Guebwiller puis à Paris.
Soulignons que cette ample moisson s’étend (pour le moment !) de 1901 à 2016 elle concerne donc également la période de l’Annexion.
Le rayonnement international de l’Université de Haute Alsace
8000 étudiants, 475 enseignants, 350 chercheurs, 17 laboratoires.
Depuis près de 30 ans, les 7 universités du Rhin supérieur – les 3 universités de Strasbourg, celles de Fribourg, de Karlsruhe, de Bâle et l’UHA sont réunies au sein de la Confédération européenne
des Universités du Rhin supérieur sous le sigle EUCOR.
« Le modèle universitaire mulhousien » un ouvrage du Professeur Jacques Streith, paru en 2009, évoque d’une part l’enseignement pluridisciplinaire de l’Université y compris une section
d’apprentissage et d’autre part l’histoire et les grands noms en particulier de l’Ecole de Chimie dans le domaine des colorants et des procédés de teinture.
Le patrimoine architectural de l’Alsace
Il est vrai que la matière, le grès des Vosges, dans ses déclinaisons de teintes selon les saisons et les heures, fut et reste une source d’inspiration pour les bâtisseurs qu’ils
soient ceux de la cathédrale de Strasbourg, des abbayes, des monastères, des églises, des palais, voire des Verdures ou plus modestement de quelques éléments de décoration des maisons.
A défaut de grès, les fleurs mettent en relief l’amour des Alsaciens pour leur demeure.
Rappelons l’inscription de Strasbourg en 1988 pour « la Grande-Île » et en 2017 pour « la Neustadt » au patrimoine mondial de l’UNESCO.
En deux mots est soulignée la singulière Histoire de la ville.
Le patrimoine culturel
Il est nourri, en deux langues voire trois, par les historiens, les poètes, les écrivains
Sans oublier les comédiens, les peintres…
La liste est longue,
riche d’enseignements, de passions, d’émerveillement, mais aussi de la douleur d’un petit peuple ballotté entre deux nations, deux cultures, deux langues.
Les créatifs toutes disciplines confondues, installés en Alsace ou ailleurs dans le monde, sont à la fois témoins et passeurs d’une Terre généreuse, inspiratrice.
Strasbourg en particulier a la tête dans les Etoiles
Grâce à son Observatoire et au Jardin des Sciences. Leur réputation n’est plus à faire. Il faut remarquer que l’astronomie débarque, souvent sous une tente gonflable, dans quelques écoles pour initier les élèves au mystère des étoiles notamment à travers les cadrans solaires, et peut-être faire naître des passions voire encore un futur prix Nobel !
L’Alsace, terre de la gastronomie,
Elle compte 30 chefs étoilés, pour le plus grand plaisir de nos visiteurs… et des Alsaciens !
2018 est pour l’Alsace, pour notre Académie, une année faste marquée par :
les cérémonies du 550e anniversaire de Gutenberg. Un hommage à l’imprimé comme vecteur de savoir, de culture, de foi, « du beau », symbole du bien moral selon Kant.
Le 20e anniversaire de l’admission de notre Académie à la Conférence nationale
La réouverture de la bibliothèque humaniste de Sélestat
Nombre d’entre nous ont rencontré Alain Plantey, soit à l’Institut soit dans nos régions
en tant que président d’honneur des Académies de province nommé par Pierre Messmer.
Nous ne pouvons oublier son amour des « mots ».
Il a donc digressé sur le mot « honneur » dans un discours tenu à l’Institut en 2009.
«L’honneur est une notion très française, à la fois individuelle et historique qui marque toute l’histoire de notre pays… L’honneur d’un Chef peut racheter l’honneur de toute sa Nation. Depuis le 18
juin 1940 Charles de Gaulle l’a montré : On peut tout perdre for l’honneur.
« Noblesse oblige », l’honneur oblige.
Les Académiciens sont tous porteurs et témoins de l’honneur. Etre élu Académicien par ses pairs est un honneur dans une vie, mais aussi une source d’obligations : obligation de tenue, de
travail, de dignité, d’exemplarité. L’honneur n’est ni un droit, ni un profit, ni un déguisement ».
Nous aimerions pouvoir rassurer le président Alain Plantey :
« Nos Académies ont maintenu. Elles maintiendront ».
Les Académies sont des lieux où l’on enseigne et où l’on apprend. Elles sont aussi des lieux de rencontres et d’échange dont elles donnent aujourd’hui une preuve éclatante. La
tentation est de faire de nos académies des cénacles.
Or si l’évocation du monde des Etoiles peut nous encourager dans nos travaux il est nécessaire de l’associer à la Terre, à la réalité de notre société du XXIe s.
Soyons rassurés, associer la Terre au Ciel n’est plus un paradoxe, c’est-à-dire contraire à l’opinion commune qui voudrait en l’occurrence la séparation de ces deux éléments.
Est-ce faire preuve d’orgueil ou de vanité d’imaginer que nos Académies puissent s’investir dans la réalité qui, de « tâtonnante », dispose de tous les moyens pour enfin s’installer
dans un humanisme renouvelé ?
A ce sujet, le propos d’Alain Plantey est clair : « Notre Conférence et chacune des Académies qu’elle regroupe porte une partie de la responsabilité du destin de notre civilisation ».
Nos 32 Académies en Région sont des forces vives. Elles comptent 1300 acteurs appelés à l’Action, à l’ouverture, au partage des talents ce qu’ils font de la plus admirable manière.
Néanmoins pour accroître le rayonnement de la Conférence ne faudrait-il pas s’attacher à développer les actions inter académiques et pourquoi pas des relations transfrontalières comme le fait
l’Académie d’Alsace avec la Suisse et l’Allemagne ?
Le Président Woronoff vient de lancer le thème du colloque à Paris en 2019 : l’innovation.
A ce mot qui navigue entre la crainte et le refus de l’immobilisme, le Président Woronoff insiste sur la différence entre innovation et invention dans la mesure dont l’une suit
l’autre.
Il s’agit non seulement de faire un retour sur l’Histoire mais d’aborder également la prospective.
Le sujet est lancé. Il promet de passionnantes digressions dans le domaine des beaux-arts, des lettres, des sciences, de la politique, de la philosophie.
Date de clôture : le 30 avril 2019.
De tous ces champs d’exploration, de suggestions, de projets, de résolutions que pouvons-nous faire ?
Oser.
« Toutes les conquêtes sublimes sont plus ou moins des prix de hardiesse... Tenter, braver, persister, persévérer, être fidèle à soi-même, prendre corps à corps le destin ».
Une belle feuille de route pour nos académies fournie par Victor Hugo qui sait de quoi il parle !
Nous avons conscience qu’au début de toute action, il y a le Verbe, c’est-à-dire la parole.
Jusqu’à son dernier souffle, notre confrère le Professeur Pierre Karli a réaffirmé devant ses pairs :
« Le partage de la parole joue un rôle fondamental dans la construction, l’édification et la structuration de la personnalité et dans l’évolution de cette personnalité dans le
temps ».
Un engagement solennel de nos Académies au partage et à la transmission du SAVOIR à la jeune génération.
Chaque mot a une longitude et une latitude. Il fait de nous des êtres sociaux.
Galilée tout comme bien plus tard Mallarmé nous donnent l’occasion de conclure :
« Avec 26 lettres, on peut écrire le monde » !
Et que peuvent faire les 32 Académies de France ?